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Relocaliser le marché du carbone

SEBASTIEN CHAMPION

Pour bon nombre d’acteurs économiques, compenser leurs émissions par l’achat de crédits carbone à l’international n’est pas nouveau. Mais une offre française se construit, conformément à leurs attentes.

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Dans une optique de durabilité, de plus en plus d’entreprises, de collectivités territoriales, ou tous autres acteurs économiques français, ainsi que des citoyens cherchent à réduire leur impact environnemental et leur empreinte carbone. Soucieux de ces enjeux, certains se tournent vers la compensation volontaire de leurs émissions de GES. Selon l’Ademe, « la compensation volontaire consiste à financer un projet de réduction ou de séquestration d’émissions de GES dont on n’est pas directement responsable ». Ces acheteurs français font ainsi appel à des opérateurs spécialisés à l’international pour l’achat de crédits carbone, un crédit correspondant à une tonne de CO2 évitée. Ces projets relèvent notamment de la reforestation, comme en Amazonie, des énergies renouvelables ou encore de l’utilisation rationnelle des énergies.

Se méfier du greenwashing

Théoriquement, ces mécanismes de compensation volontaire permettent aux acteurs, déjà impliqués dans la réduction de leurs propres émissions, de compenser celles qui restent incompressibles, qu’ils ne peuvent pas éviter. Cette action de compensation est cependant parfois décriée. Certains acteurs sont accusés de « greenwashing », c’est-à-dire de faire valoir cette action de compensation au niveau marketing et communication, sans pour autant réduire ses propres émissions. Pour éviter cela, la transparence est essentielle pour tous les acteurs ayant de réels plans de réduction de leur empreinte carbone, notamment en communiquant sur leurs propres actions au sein de leur activité.

Aujourd’hui, beaucoup d’acteurs français souhaitent se tourner vers de la compensation locale. C’est dans cette optique qu’a été pensé et lancé le label bas carbone en 2019 (lire p. 32 à 35). Celui-ci leur permet désormais de participer au financement de projets français de réduction des émissions de GES ou de leur séquestration. « Ce n’est pas un marché du carbone à proprement parler, souligne Didier Robert, DG de Smag et responsable carbone d’InVivo. Mais d’un côté, il y a une forte demande, et de l’autre, il y a des investissements qui mettent en place les réponses, donc automatiquement il se passe des choses. Il y a eu suffisamment de recherche, d’investissements, et une conviction suffisamment grande pour enclencher cette dynamique. »

Un marché tracé

Dans le cadre de l’élaboration de la méthode Carbocage, qui valorisera la séquestration de carbone par les haies (lire p. 34), une enquête a été menée auprès d’une soixantaine d’acteurs dans les quatre territoires pilotes de Bretagne et des Pays de la Loire. Une quarantaine d’agriculteurs, une vingtaine d’entreprises et trois collectivités ont été interrogés sur leurs conditions d’engagement dans un marché carbone. Pour les trois types de répondants, 80 % se disent prêts à intégrer un marché local du carbone et 71 % préfèrent un marché tracé. « Les acheteurs veulent connaître la petite histoire derrière les crédits carbone qu’ils ont achetés, pour pouvoir la communiquer auprès de leurs salariés ou clients. Ils veulent pouvoir localiser le projet et identifier les agriculteurs derrière. De la même façon, ces derniers veulent connaître leurs acheteurs », note Sarah Colombié, de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire.

« Beaucoup d’industriels se disent prêts à acheter ces crédits carbone-là, explique Virginie Bernois, de Greenflex. On milite pour qu’ils le fassent, mais on sait que ce n’est pas le même prix qu’à l’international. » L’enquête a mis en évidence une fourchette de négociations possibles de 56 à 100 € le crédit carbone, et même au-delà lorsqu’un projet répond à des exigences d’ancrage, de traçabilité et de cobénéfices. « Lorsqu’un maximum de cobénéfices sont associés au projet, ça peut monter très haut. On a des entreprises prêtes à payer 150 € la tonne de carbone, ajoute Sarah Colombié. Les entreprises vont au-delà du carbone et misent sur le qualitatif plutôt que le quantitatif. » Les collectivités souhaitent également s’engager à l’échelle de leur territoire. « Elles ont aussi envie d’être parties prenantes à part entière de ces sujets-là, c’est très positif, s’enthousiasme Virginie Bernois. En outre, elles ont un rôle à jouer dans l’intermédiation, elles connaissent les entreprises de leur territoire et sont donc capables de faire le lien avec les projets locaux. Elles sont capables de recenser les besoins. »

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